Ce que nous, journalistes pouvons apporter à la formation

 

L’univers de la formation connaît de nombreux bouleversements depuis l’émergence du digital avec un espoir sur-prometteur : la possibilité pour tous de se former partout, tout le temps dans (presque) tous les domaines. Alors que de plus en plus d’internautes se sont mis à suivre, regarder et plébisciter des youtubers dans des domaines variés, y compris pour s’informer et se former ; Alors que la vidéo est devenue l’alpha et l’omega de la plupart des producteurs de contenus sur internet ; Alors que la majorité des médias investissent ce champ en tentant d’innover toujours plus dans leurs formats pour coller aux usages et capter l’attention des internautes ; Les MOOC, eux, n’ont pas rencontré le succès annoncé. 

Si le constat que le distanciel seul ne convient pas à l’apprentissage - du moins à la majorité des apprenants - commence à faire consensus dans le milieu, nous sommes convaincus que l’ingénierie éditoriale et la créativité graphique sont également des voies d’amélioration à explorer pour faire évoluer la formation. Au terme de formation nous privilégierons cependant ici celui d’apprentissage car nos assertions ne visent pas uniquement la formation professionnelle, mais l’apprentissage de chacun, tout au long de la vie. Aussi, nos propos concerneront principalement le digital learning et le blended learning. L’approche journalistique que nous allons expliciter est, pour nous, la - sinon une - réponse au contexte et aux enjeux que soulève la notion d’apprenance développée par Philippe Carré. 

Approche globale et valeurs

Le journaliste est un vecteur d’information et la formation se fait en partie par l’information. Notre conviction centrale est qu’apprendre ne peut se faire sans comprendre. Et notre approche journalistique permet d’appréhender la conception des dispositifs de formation et de leurs contenus en ayant cet impératif pédagogique en tête. 

Cette approche met également l’esprit critique au cœur de la démarche. Non seulement dans nos méthodes de travail, mais également dans ce que nous souhaitons transmettre à l’apprenant. Au-delà de la transmission de savoirs et de compétences, développer l’esprit critique de l’apprenant dans la conception des ressources mais aussi dans tous les services que l’on propose pour donner du sens au dispositif pédagogique : accompagnement, mentorat, tutorat, cas pratiques, activités, etc. L’esprit critique (du grec : qui discerne) consiste à n’accepter aucune affirmation sans s’interroger sur sa valeur. C’est se questionner - avec une dimension de réflexivité - et questionner tout ce qui nous est donné à penser. 

Cette démarche de pensée critique s’inscrit dans une vision avec une culture citoyenne forte, mais également et surtout, en considérant, du début à la fin des projets de digital / blended learning, la personne à qui nous nous adressons, l’apprenant, au centre de tout. Sans aller vers des facilités galvaudées en affirmant que l’apprenant est nécessairement acteur de son parcours professionnel - car la réalité aujourd’hui, est toute autre, il est primordial de tendre vers cela. Lorsqu’un journaliste prépare un article, il s’adresse à son lecteur et, théoriquement, tout son travail est dirigé vers ce dernier. 

Notre approche journalistique de l’apprentissage met l’humain au cœur de l’ingénierie pédagogique et s’adosse à une démarche empathique et bienveillante vis à vis de l’apprenant en s’inspirant de la pédagogie positive dans laquelle les émotions sont au centre de l’apprentissage. Nous ne défendons pas ici une vision partielle et naïve de la formation qui voudrait que les apprentissages soient ludiques et rapides pour être efficaces et adaptés à l’époque. L’acquisition de savoirs et de compétences nécessite du travail, de la concentration, des efforts, de la motivation et surtout, du temps. 

Le temps et la rigueur sont les deux faces d’une même pièce. Et il nous semble plus pertinent que jamais de défendre deux positions sans cesse malmenées par les impératifs de coûts réduits et de délais ; Il faut du temps pour apprendre et pour concevoir et produire ces nouveaux dispositifs pédagogiques hybrides. 

Tout comme le métier de journaliste est incompatible avec des approximations et exige une rigueur irréprochable, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire que chacun - où qu’il se situe dans les sphères de l’éducation et de la formation - garde ces impératifs en tête s’il veut participer à une amélioration globale et constante des parcours pédagogiques et surtout, à son efficacité, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici.

Méthode de travail et ingénierie éditoriale

Au-delà de ses valeurs et de son approche globale, le métier de journaliste nous semble particulièrement pertinent dans le domaine de la formation digitale par ses méthodes de travail éditorial, qui nécessite aussi de prendre le temps. 

Avec un regard extérieur et généraliste, le journaliste aide à prendre hauteur et distance par rapport au sujet. Nos méthodes journalistiques s’adaptent particulièrement bien aux recherches qui constituent le travail préparatoire (phase d’analyse et de design de l’ingénierie pédagogique). 

C’est aussi dans le mode de production des ressources (ou contenus) que s’exercent nos techniques de journalistes, comme à travers des interviews ou reportages. 

Enfin, dans un univers ultra-concurrentiel où les formations sur étagère de qualité médiocre ne manquent pas, et face à des institutions ou entreprises souvent déçues des prestations et des résultats des dispositifs pédagogiques, il faut se battre au quotidien pour que le caractère sur-mesure des formations ne soit pas simplement un argument de vente. Il doit être une réalité qui permettra de déployer des dispositifs de qualité adaptés à chaque apprenant ; à son profil, à son rythme, à ses attentes, à ses besoins et à ses faiblesses, aussi. Ici encore, prendre le temps est essentiel. 

Tous ces éléments constituent l’ingénierie éditoriale. Avec l’ingénierie de formation et l’ingénierie pédagogique, elle est la pierre angulaire de dispositifs de digital / blended learning réussis. Pourtant, dans le paysage actuel de la formation, elle est trop souvent laissée de côté, comme on l’entend souvent : “le contenu, ce n’est pas un sujet, la qualité est là”. Mais la qualité des ressources premières ou des cours existants (à transformer en blended), n’est pas la seule composante de l’ingénierie éditoriale et le travail éditorial est beaucoup trop souvent sous-estimé ou bâclé. 

 Pédagogie illustrée et nouveaux formats 

Un autre aspect du digital learning nous paraît souvent négligé ; c’est la création graphique. A l’heure où les médias et marques rivalisent pour produire des contenus toujours plus léchés et innovants, et alors que ces derniers apparaissent du matin au soir sur les écrans des apprenants, force est d’admettre que la formation est à la traîne.

Nous sommes convaincus qu’il est essentiel d’être à la hauteur sur ces questions. L’aspect graphique d’un MOOC, d’une vidéo pédagogique ou explicative n’est pas un détail, ce n’est pas un “plus”. C’est aujourd’hui ESSENTIEL. La pédagogie illustrée - qu’elle passe par des vidéos entièrement réalisée en motion design, ou par de l’habillage graphique (texte, schémas, pictogrammes, illustrations) est un élément fondamental du digital learning et fait partie intégrante des éléments qui permettent la compréhension et l’apprentissage des savoirs et compétences. Leur logique de conception n’est pas tout à fait la même que celle pratiquée dans les médias car elle recouvre un objectif pédagogique supplémentaire. Mais les qualités de journalistes web maîtrisant parfaitement les codes du web permettent de penser les contenus en gardant en tête en permanence les usages, et en s’adaptant aux outils et aux évolutions technologiques. La souplesse et la pratique permanente du test and learn dans le journalisme web, nous permettent d’être particulièrement agiles sur la question des formats qui, comme l’aspect graphique, sont très peu explorés aujourd’hui dans le domaine de la formation. Pourtant, l’inspiration est partout, les outils ne cessent de s’améliorer, et les cerveaux créatifs ne manquent pas d’idées et de talent pour inventer de nouveaux formats vidéo, audios, ou hybrides. Dans une logique de conception de parcours sur-mesure, la proposition de formats en fonction des sujets et objectifs pédagogiques est l’une des clés essentielles pour produire des parcours de qualité. Enfin, la maîtrise des codes du web permet également de pouvoir s’affranchir plus facilement des conventions pour innover et créer. 

L’apport des journalistes au monde de la formation pourrait sembler anecdotique ou pire, un sujet de niche. Mais il nous semble important. L’éditorial et les formats, trop souvent considérés comme acquis pour l’un et superficiels pour l’autre, doivent être reconsidérés et travaillés avec la même rigueur et la même ambition que les autres pans de la formation. En s’adossant à la notion d’apprenance, et en positionnant l’apprenant au centre de nos préoccupations, nous pouvons faire évoluer les apprentissages et les sortir de cases trop souvent assimilées à l’ennui ou à la souffrance. Enfin, le travail en équipe d’ingénieurs pédagogiques, de journalistes et de créatifs permet d’obtenir une qualité globale des dispositifs pédagogiques et des contenus produits pour que chaque apprenant puisse apprendre en prenant du plaisir, en se questionnant, en comprenant et en évoluant, tout au long de sa vie.

  

 

 

        

Mots-clés: FORMATiON, APPRENTISSAGE, COMPETENCES

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